Le fini défini par le non fini

Roman Opalka

999 999 neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf et il est bien question de la peinture de Bertrand Renaudin je ne m'égare pas je veux parler des tableaux que j'ai sous les yeux et si c'est le regardeur qui fait le tableau comme dit Marcel Duchamp je veux transmettre ce que je vois et je vois des neuf ici comme représentation du monde imaginaire je me laisse faire je vois des neuf mais si le chiffre 9 est la marque de l'accomplissement et de l'universel s'il permet d'ouvrir les horizons et d'élever les consciences c'est à Opalka que je pense c'est à Roman Opalka qui commence en 1965 la suite de nombres déterminant l'œuvre à venir et sept années plus tard il écrit il peint 999 999 et l'émotion est si forte car après le basculement vers ce premier million je ne serais pareil puisqu'ensuite le peintre ajoute 1 % de blanc aux fonds de chaque nouvelle toile pour que finalement les nombres se confondent avec le support alors je lis le titre de l'ouvrage de Bertrand La tentation du neuf et me dis que c'est un désir d'absolu et je vois des neuf et je suis le regardeur je vois ce que je veux et je vois le noir et le blanc et je me dis que symboliquement les deux couleurs utilisées ensemble constituent une transcendance le tout et le rien le tout en tout et que ces couleurs qui n'en sont pas pour les imprimeurs évoquent la notion de passage la naissance après 9 mois de gestation et le 9 que nous faisions semblant d'oublier nous revient avec toute sa symbolique l'ordre naît du chaos ici le noir et blanc est radical et le noir n'est pas absence de lumière il exalte le blanc qui lui est toute une vie allant vers la lumière et qui structure la force l'énergie et il suffit d'un manque un éclat un accident démasquant le support kraft carton pour que l'émotion jaillisse et que le sens soit sauvé.

Michel FOISSIER